11 800 $ pour une Toyota 2019 de 2 000 km

Publié le 27 mai 2022 dans Blogue par Antoine Joubert

Imaginez payer seulement 11 800 $ pour une Toyota 2019 à l'état presque neuf. Toute une aubaine, direz-vous. Mais de quel modèle pourrait-il s’agir? D’une Corolla? Ça serait l’affaire du siècle, à moins qu’elle n’affiche 200 000 km au compteur. D’une Yaris? Assurément pas, puisqu’elles se vendent actuellement plus cher qu’à l’état neuf! Alors, d’une Prius C? Impossible, un modèle 2013 ou 2014 se vend encore à ce prix.

Pourtant, une Toyota 2019 n’ayant que 2 000 km au compteur a bel et bien été vendue à ce prix, il y a quelques semaines à peine, aux enchères. Ce modèle, c’est une Mirai. Une voiture à hydrogène dont la valeur en 2019 oscillait autour de 75 000 $, mais qui - pour des raisons évidentes - ne trouve tout simplement pas preneur au Québec.

En fait, depuis quelques semaines, il y a une poignée de Toyota Mirai qui passe sur la ligne de vente aux enchères de l’encan Adesa. Des voitures qui avaient été vendues à des entreprises ou des particuliers, parfois même achetées par une concession Toyota, et qui aujourd’hui figurent probablement dans la colonne des pertes des livres comptables. Parce que les baux de location sont à terme ou parce que l’on souhaite s’en défaire, elles sont donc acheminées aux enchères.

Les premières mises effectuées sur ces autos - qui n’affichaient parfois que quelques centaines de kilomètres au compteur - ont grimpé jusqu’à un peu plus de 20 000 $. Or, parce que l’encanteur avait omis de souligner qu’il s’agissait d’un véhicule à hydrogène, certains acheteurs ont cru qu’il s’agissait d’une hybride traditionnelle. Quelques-unes des transactions ont ainsi été annulées. Pire encore, un acheteur aurait même circulé avec la voiture dans la région de Montréal jusqu’à ce qu’elle soit vide de carburant, ne sachant trop où le plein d’hydrogène pouvait se faire, avant de finalement la renvoyer à l’encan… en remorqueuse!

Pour les non-initiés, il faut savoir qu’une seule station  permettant au public de faire le plein est actuellement en place dans la province. Et elle se situe à Québec, dans une station-service Harnois. Une annonce avait d’ailleurs été faite lors du Salon de l’auto de Montréal tenu en janvier 2019, alors que cette station était sur le point d’être inaugurée (elle le fut en octobre 2019). Toyota avait profité de l’occasion pour annoncer que le Gouvernement du Québec se portait acquéreur de 50 Toyota Mirai qui allaient servir à divers services et employés. Des véhicules gérés par le CGER (Centre de gestion de l’équipement roulant) et qui, pour la plupart, sont stationnés à 99,9% du temps, affichant aujourd’hui un très faible kilométrage. Une autre dépense gouvernementale qui tient davantage du geste politique que d’un besoin réel...

Louées par le Gouvernement, ces bagnoles devraient en toute logique arriver elles aussi à terme d’ici peu. On peut ainsi imaginer qu’une cinquantaine de Toyota Mirai se retrouveront aux enchères, visiblement sans acheteurs. À moins bien sûr qu’on les exporte en Californie où il est possible de faire le plein, ou encore que l’on instaure de nouvelles stations d’hydrogène dans la Belle Province. Un facteur qui pourrait peser dans la balance, bien que le rendement énergétique de ces voitures ne soit pas si économique. En effet, une Mirai consomme grosso modo 1 kg d’hydrogène par 100 km, ce kilo étant vendu cette semaine à 17,30 $ chez Harnois. Il en coûte donc environ le même prix qu’avec un RAV4 à essence consommant 8,5 L/ 100 km à 2 $ le litre.

Toyota continue pourtant de croire à la voiture à hydrogène. Une nouvelle génération de la Mirai est depuis peu offerte au public, revêtant d’ailleurs une ligne drôlement plus aguichante que la première. Or, sans infrastructure, sans avantage financier, et sachant de surcroît que le Gouvernement priorise surtout le passage à la voiture électrique, il est difficile de croire à un avenir prometteur de la voiture à hydrogène.

Ne soyez donc pas étonné si, effectivement, un commerçant de véhicules d’occasion s’est porté acquéreur d’un modèle 2019 pour seulement 11 800 $. Une facture dérisoire par rapport à la qualité du produit, mais qui illustre parfaitement le principe de l’offre et de la demande.

Verrons-nous prochainement cette voiture chez un marchand de véhicules d’occasion pour environ le double du prix? Possible, mais encore faut-il que les gens soient intéressés. En ce moment, il y a trois Mirai 2019 à vendre au Québec (référence Otogo.ca) entre 26 390 $ et 28 490 $, affichant des kilométrages variant de 49 à 7 400 km. Et si les 50 voitures du Gouvernement devaient soudainement aboutir sur notre marché, imaginez à quel point la valeur des Mirai chuterait!

En vidéo: Antoine Joubert présente la Toyota Mirai