Berlin, capitale des Trabant - ces miracles automobiles de plastique!

Publié le 4 août 2014 dans Galeries par Nadine Filion
S'il y a bien un symbole encore d'actualité qui rappelle l'époque communiste ayant sévi en Allemagne de l'Est, c'est bien le Mur de Berlin.
Et s'il y a bien un symbole encore vivant qui souligne la liberté retrouvée, en ce 9 novembre 1989 après la chute dudit Mur, ce sont les Trabant - les Trabi, pour les intimes. (Oeuvre de Bridgit Kinder)
Lorsque le mur est "tombé", les résidants du "mauvais côté" du mur se sont empressés de charger leurs Trabant d'effets personnels et de les conduire à travers le tristement célèbre "Checkpoint Charlie".
Près de 200 de ces Trabant, peinturlurées aux couleurs de l'arc en ciel, peuvent aujourd'hui être louées, moyennant une centaine d'Euros, par les touristes avides de découvrir à leur volant la capitale germanique.
Laquelle voudrez-vous piloter? Avec le Trabi-Safari, vous avez l'embarras du choix...
Votre tour de ville devra immanquablement s'arrêter au musée Trabi-World, situé à quelques pas du bureau de location, sur la rue Zimmerstrasse.
Car c'est là que vous êtes à mieux de saisir l'ampleur de l'engouement indéfectible, démontré à travers la planète, pour celles qui seront bientôt sexagénaires.
La production officielle des premières Trabant (les P50, qui deviendront les Trabant 500) a débuté le 7 novembre 1957.
La compagnie Sachsenring (d'où le logo en "S") entendait donner la réplique à la voiture du peuple produite de l'autre côté du mur - une certaine Volkswagen Beetle.
C'est dans l'usine de Zwickwau qui, avant de passer aux soviétiques, avait fabriqué les luxueuses Horch (précurseures d'Audi), que près de 4 millions de Trabant allaient être assemblées et ce, pendant près de 35 ans.
Trabant signifie "compagnon de voyage" ou "satellite". Incidemment, l'année 1957 coïncide avec le lancement du satellite russe Spoutnik.
Dès leurs premiers tours de roue, les primitives Trabant ont été la cible de moult moqueries, les plus mauvaises langues la décrivant comme une "bougie d'allumage surmontée d'un toit". Le magazine Time l'a nommée l'une des 50 pires voitures de tous les temps.
D'autres répétaient à qui voulaient l'entendre que pour couvrir leur châssis (monocoque, quand même!) d'acier, les Trabant avaient fait appel à des panneaux de carrosserie en carton.
Il s'agissait plutôt de DuroPlast, un matériau que les ingénieurs de Sachsenring avaient dû mettre au point, le blocus ne permettant pas un approvisionnement suffisant en acier.
Des documents d'époque et des vidéos présentés au musée Trabi-World montrent que les Trabant faisaient mieux, lors des tests de collision, que les voitures de l'époque de même gabarit.
Ce DuroPlast était un amalgame de résine (phénol) et de fibres de coton, cette dernière matière étant disponible à profusion après la guerre.
Mine de rien, les Trabant ont donc été les premières voitures de toute l'industrie automobile à s'amener avec une carrosserie fabriquée à partir de matières recyclées. Et vous savez quoi? Avec une longévité moyenne de 28 ans, elles figurent parmi les voitures les plus durables... même aujourd'hui.
Le généreux cargo (415 litres, soit autant que le coffre d'une Chevrolet Cruze!), la suspension indépendante et la direction à crémaillère (alors que l'époque faisait plutôt dans les essieux rigides et les directions à billes) sont des éléments étonnants pour une telle "écono-box" des années 1960.
Mais alors que la plupart des autres voitures en étaient déjà au moteur quatre temps, les Trabant ont dû se contenter, afin de propulser leurs roues avant, d'un organe deux temps à deux cylindres (eh non, pas même trois!).
Les Trabant faisaient sans courroie de distribution, sans pompe à eau (le moteur était refroidi à l'air), sans radiateur, sans même pompe à essence. Plutôt, le réservoir de 25 litres était localisé à l'avant, sous le capot, la gravité acheminant le "fuel" au carburateur, comme pour les motos...
Sauf exception, comme pour cette Trabant modifiée au point de pouvoir franchir les 196 km/h...
... les Trabant n'ont pu rouler plus vite que 90km avec leurs petits 18 chevaux, comme les premières P50...
... ou 110 km/h avec leurs 23 ou 26 chevaux, comme pour les Trabant 600 et 601. Ces dernières, presque inchangées, ont connu l'une des plus longues générations automobiles qui soit: près de 30 ans (1962-1990).
Le 0-1010km/h? En à peu près 21 secondes - comme pour l'indienne Tata Nano, la voiture la moins chère de l'actuel marché.
Mais la marque du 0-100km/h aurait été encore plus longue à rejoindre si la Trabant n'avait pas été aussi légère - à 615kg, elle a l'avantage de 200 kilos versus la smart fortwo.
Ces "exploits", la Trabant les accomplissait dans un nuage de bruit, de fumée noire et de pollution - le catalyseur catalytique, elle ne connaissait pas...
Des études ont d'ailleurs rapporté que la voiture émettait neuf fois plus d'hydrocarbures et cinq fois plus de CO2 que les comparses de l'époque.
Des clignotants plutôt bancals, direz-vous? Au moins, cette Trabant en a-t-elle - les premières ne pouvaient en dire autant... Tout comme les premières Trabant n'avaient même pas d'odomètre.
Un presque cube, dont les dimensions n'ont pas changé au fil du temps, que cette Trabant "berline deux portes" désignée, on ne sait trop pourquoi, "Limousine": 356cm en longueur (à peine un tiers de plus que la smart fortwo), 150cm en largeur et 146 cm en hauteur.
Ceci dit, les Trabant ont su démontrer, au fil des années, que leur conception était d'une telle simplicité qu'elles étaient un jeu d'enfants à réparer.
Sous le règne soviétique, les Allemands de l'Est considéraient la Trabant comme un objet de luxe.
Et vrai que derrière le rideau de fer, ceux qui la commandait devaient patienter de dix à 15 ans avant de pouvoir obtenir livraison de leur exemplaire de leur "limousine" (version berline deux portes) ou de leur "Universal" (version familiale).
En vidéos présentés au Trabi-World, des témoignages de designers et d'ingénieurs, ayant contribué à la destinée de Trabant, rapportent qu'ils ont bien tenté, avec divers prototypes, de renouveler l'écono-box.
En vain: le gouvernement communiste n'autorisait aucun investissement. Dommage, parce que s'il l'avait fait, la Trabant 603 à hayon aurait vu le jour en 1969 - quatre ans avant qu'une certaine "hatchback" Volkswagen Golf ne vienne révolutionner l'industrie automobile.
Qui dit réunification des deux Allemagnes, au début des années 1990, dit que celle de l'Est a désormais droit aux produits de l'Ouest - à commencer par ses véhicules. Voilà qui allait signer l'arrêt de mort de la Trabant.
Une dernière année de production de la Trabant, en 1991, verra quand s'insérer sous le capot un moteur à quatre temps et à quatre cylindres - celui de 1,1L de la Volks Polo, pour 45 chevaux et une vitesse max de 135 km/h.
Là encore, c'est en vain: la Trabant est si dépassée que plusieurs de ses propriétaires la donnent, une fois installés de "l'autre côté" du mur. D'autres se retrouvent carrément dans des conteneurs d'ordures.
La Trabant ne vaut - alors - plus rien.
Les dernières Trabant produites le sont le 30 avril 1991 - il y aura bientôt un quart de siècle. Et pourtant, l'enthousiasme est toujours bien vibrant pour ces reliquats de l'époque soviétique allemande.
La Trabant est morte, vive la Trabant: des propriétaires européens, mais aussi américains et mêmes canadiens vouent un culte à l'icône automobile par excellence de la Guerre Froide - assez impressionnant, pour une voiture qui n'a pratiquement jamais quitté le Bloc de l'est...
Les clubs de passionnés de Trabant foisonnent ici et là et même encore aujourd'hui, les forums Internet s'en donnent à coeur joie. Qui plus est, la "Parade des Trabant" se déroule chaque année dans les rues de Washington - le prochain rendez-vous aura lieu le 8 novembre 2014.
Des plus audacieux que d'autres modifient leur Trabant - que pensez-vous de cette Ferrabi?