En photos : les voitures jumelles dans les publicités d'époque

Publié le 5 février 2022 dans Galeries par Alexandre Trudel

Les jumeaux de l’industrie automobile sont un petit tour de magie côté marketing, certes, mais aussi un casse-tête pour les concessionnaires, les consommateurs et pour les détaillants de pièces. Lorsque vient le moment de revendre le véhicule en question, dans certains cas, on omettra volontairement de mentionner sa « vraie nature » alors que dans d’autres cas, on en fera une fierté.

Qui n’a pas, dans sa famille, quelqu’un qui ne se fie qu’à un seul constructeur. Le typique consommateur qui n’a eu « que du GM » et qui n’aura « que du GM », par exemple. On laisse libre-cours à sa passion jusqu’au jour où il nous présente sa toute nouvelle Pontiac Vibe, ou sa toute nouvelle Chevrolet Epica. « Que du GM »? Eh bien non!

Reculons un peu plus dans le temps, à l’époque où les trois géants américains avaient plusieurs divisions proposées dans des concessionnaires distincts. Comment est-ce qu’un représentant des ventes chez un concessionnaire Dodge Chrysler pouvait convaincre un potentiel acheteur que l’Aries K était bien plus intéressante que la Reliant K offerte chez le compétiteur (et probablement quasi-voisin), soit le concessionnaire Plymouth Chrysler, par exemple?

Même histoire chez les revendeurs de pièces usagées! Vous avez eu un accrochage avec votre Mercury Topaz 1989 et on doit remplacer la portière arrière gauche. Une portière arrière gauche de Ford Tempo 1989 sera sans doute facilement trouvable, alors que celle de la Topaz, beaucoup moins. Encore pire si une division en particulier offre des couleurs de carrosserie différentes.

Pour les manufacturiers, l’avantage est clair : offrir une variété impressionnante de véhicules tout en utilisant les mêmes composantes de base, tant au niveau de la structure que de la mécanique.

Mais revenons aux jumeaux et à leur commercialisation. Vous trouverez dans l’album photo qui suit différentes images qui démontrent que les concessionnaires « se tiraient la couverte » chacun de leur côté, pour reprendre une expression populaire, afin de séduire les consommateurs.

Une des plateformes les plus prolifiques de l’histoire récente de l’automobile est sans doute la plateforme J de General Motors (J-body). Utilisée par les 5 divisions de GM entre 1982 et 2005, soit pendant 23 ans, elle aura été proposée sous 5 types de carrosserie. Voici la Chevrolet Cavalier Coupé 1984.

Allons maintenant chez Buick. On nous offre la Skyhawk, version familiale. Les dernières années-modèles de Skyhawk étaient dotées de phares escamotables. Il s’agit du seul modèle de voiture familiale à avoir été offert avec cette caractéristique si particulière dans les années 1980. Le modèle coupé 2 portes en version T-Type rendait davantage honneur à cette façade.

Dans les années 1980, General Motors avait fait une tentative marketing en incorporant des noms de modèles numériques à sa gamme. La Pontiac Acadian était devenue la Pontiac 1000, les balbutiements de la Sunbird portaient le nom de 2000, et apparaîtra ensuite la 6000. Peut-être était-ce pour imiter les constructeurs européens, comme Audi et BMW principalement, qui étaient très portés sur les noms de modèles numériques. Voici donc la Sunbird en versions coupé et décapotable.

Chez Oldsmobile, c’était la Firenza. Probablement la plus méconnue. Rendu là, c’était une question de goût, parce qu’elle n’offrait rien de plus intéressant que ses trois sœurs, mentionnées jusqu’à présent. Un petit détail qui la rend peut-être un peu plus chic ou « sérieuse » que les autres serait le positionnement du feu clignotant entre les deux phares, mais c’est parce que j’essaie vraiment d’y trouver un attrait particulier. La voici en version 3 portes à hayon, parfaite pour les amateurs de baseball.

Quelle division de GM reste-t-il? La grandiose, la luxueuse, la crème de la crème : Cadillac! Eh oui, General Motors avait osé proposer la plateforme J chez Cadillac avec la Cimarron. La risée de la presse automobile de l’époque, je n’ose même pas imaginer le malaise que ressentaient les représentants des ventes quand ils la proposaient à leurs clients potentiels. Imaginez, à sa première année de production, soit 1982, elle était équipée d’un moteur 4 cylindres de 1,8 litre développant 88 chevaux et d’une boîte manuelle à 4 rapports! Pour une Cadillac!

Dans ses publicités de l’époque, on osait comparer cette anémique compacte habillée chic aux modèles haut-de-gamme européens tels que la Audi 5000, la BMW 320i, la Volvo GLE et la Saab 900S. Par chance, le ridicule ne tue pas!

L’alliance entre Chrysler et Mitsubishi a été de longue durée. De la Plymouth Cricket des années 1970 à la rutilante Dodge Stealth des années 1990, les exemples pleuvent. C’est moins évident sur le marché canadien, mais comme les États-Unis avaient des concessionnaires Mitsubishi alors que nous n’en avions pas au Canada, la compétition entre concessionnaires pour vendre les mêmes véhicules devait être beaucoup plus intense pour eux. Ici, on a quand même quelques exemples fort intéressants. Voici la Dodge Colt « Premier » 1986. La plupart d’entre nous se rappelle les petites Colt à hayon, faisant compétition aux Tercel et aux 323 de ce monde, mais elles étaient aussi offertes en version haut-de-gamme avec une liste impressionnante d’équipements de série.

Si la plupart des compagnies tentaient de dissimuler leur entente avec un manufacturier étranger, ce n’était pas le cas de Chrysler. Ils incluaient la mention « Imported for Dodge » sur leurs emblèmes. C’était à l’époque où les compagnies japonaises avaient acquis une popularité notoire grâce à leur fiabilité de plus en plus appréciable, alors c’était peut-être une façon pour Chrysler de convaincre l’acheteur de véhicules étrangers. Dans leurs publicités américaines, le slogan pour vendre la Colt était « All The Japanese You Need To Know ». Ça en dit long.

Nous avons ici un exemple de compétition un peu malsaine. On est à Saint-Bruno-de-Montarville, en Montérégie, dans le milieu des années 1980. Deux concessionnaires sont voisins immédiats : Saint-Bruno Automobiles (Dodge/Chrysler) et Sega Automobiles (Renault/AMC/Jeep). Jusque-là, tout baigne. En 1988, la marque Eagle est fondée. Eagle propose la Vista, soit la même Dodge Colt construite par Mitsubishi que son voisin immédiat. Ils ont le culot de publier une publicité de la Vista avec la mention « nouvelle japonaise à Saint-Bruno », alors que leur voisin offre son équivalent depuis des années.

La Toyota Corolla roule sa bosse depuis 56 ans et se trouve à être la voiture la plus vendue au monde avec 50 000 000 d’unités. Dans sa 5e génération, la Corolla propose un modèle 5 portes à hayon, dont l’habitabilité est au-dessus de la moyenne des autres modèles de sa catégorie. Mais au même moment, General Motors cherche à combler un petit vide entre ses modèles Chevette/1000 et Cavalier/Sunbird… Qu’en adviendra-il?

La Chevrolet Nova. Un nom déjà connu par les amateurs de voitures de grosses cylindrées n'ayant rien à voir avec la modeste Toyota Corolla. C’est donc plutôt surprenant que GM ait opté pour cette appellation lorsqu’ils ont commencé à offrir, en 1985, la réplique exacte de la Toyota Corolla. La Chevrolet Nova, voiture compacte, 4 cylindres, pour la petite famille. On peut bien jouer sur la nostalgie avec des retours en force comme la Challenger et la Malibu, mais le nom Nova était plutôt mal à propos dans cette situation précise.

En 1981, Suzuki arrive au Québec avec un petit utilitaire fort sympathique, le LJ80. Rapidement rebaptisé Samuraï, il sera très populaire tant auprès des jeunes gens urbains à la mode que pour les chasseurs ayant besoin de se faufiler en forêt à peu de frais. Jusqu’en 1988, Suzuki avait le monopole du petit utilitaire « le fun ». Quand apparaît la cuvée 1989, un géant américain s’y intéresse beaucoup.

Eh bien oui, ce n’est pas une grande surprise, c’est General Motors qui offrira les variantes du Suzuki Sidekick sous ses bannières GMC et Chevrolet. Le Tracker est né! Jusque-là, c’est plutôt simple : Suzuki + GMC et Chevrolet. Mais ce n’est qu’un début!

La popularité de ces petits utilitaires à la mode est incontestable. Toutefois, dans cette publicité de 1992, on ne comprend pas très bien pourquoi ils la positionnent sur une patinoire en plein milieu d’une partie de hockey.

En 1992, General Motors crée deux nouvelles divisions, Geo et Asüna, pour remplacer sa division Passport qui est disparue avec l’arrivée de Saturn. Pas évident à suivre, j’en conviens.

Les Chevrolet et GMC Tracker deviennent donc les Geo Tracker et Asüna Sunrunner. On se rappelle que Geo offrait également la Metro (Suzuki Swift) et qu’Asüna offrait la Sunfire (Isuzu Impulse) et les SE et GT (préalablement connues sous les noms de Passport Optima et Pontiac Lemans et basées sur la Opel Kadett allemande mais construite par Daewoo en Corée du Sud). Pas évident à suivre? J’en conviens! Et comme la division Asüna n’a survécu que 2 ans, le vaillant petit Sunrunner s’est ensuite rangé sous les rangs de Pontiac, soit le 5e nom du modèle.

Le Sidekick aura été offert jusqu’en 1998 avant l’arrivée du Vitara, mais sa version 5 portes à arrière ouvrant (de côté) aura pavé la voie aux petits VUS que l’on connaît de nos jours. 

La Honda Odyssey fait partie du décor québécois depuis plusieurs années. Aujourd’hui appréciée pour ses nombreuses aptitudes à accueillir un grand nombre de passagers en tout confort, il en a déjà été autrement. Dans les années 1990, les constructeurs japonais offraient les Mazda MPV, Toyota Previa, Nissan Quest, par exemple. Mais Honda nous arrive avec un modèle étrange, à portes arrière pivotantes plutôt que coulissantes, on aurait dit une arrivée de dernière minute pour compétitionner avec les autres. C’est néanmoins ce modèle qu’a choisi le service de taxis de la ville de New York. Par contre, aux États-Unis, Isuzu s’en était approprié et il s’agissait de l’Isuzu Oasis. Il s’agissait à 100% d’une Honda Odyssey, seuls les emblèmes différaient.

La majorité des Québécois se rappellent la fameuse publicité de Ford Festiva avec le compresseur qui éliminait les modèles inadéquats et qui chantait gaiement « Festivaaa ».

Les Festiva étaient offertes au Québec de 1989 à 1993, autant par les concessionnaires Ford que par les concessionnaires Mercury/Lincoln. C’est difficile d’imaginer une Festiva L, ultra de base, à côté d’une Lincoln Continental, dans une salle d’exposition, mais c’est sûrement déjà arrivé. Cela dit, il est important de savoir que la Festiva était construite par Kia Motors (Corée du Sud) mais pensée et conçue par Mazda au Japon. Elle a d’ailleurs été distribuée sur les marchés asiatiques sous les noms Mazda 121 et Kia Pride. On est à se demander… combien d’acheteurs potentiels de Geo Metro ayant compris qu’il s’agissait d’une vilaine Suzuki ont décidé d’opter pour une Festiva, parce que c’était « du bon vieux Ford »!

Le Volkswagen Routan est probablement l'exemple le plus radical de rebadging entre constructeurs. Pour un grand nombre de férus de voitures, quand on mentionne le « Volkswagen Bus », il y a un millier de passionnés qui se soulèvent. Ils ont des clubs, des campings privés, des groupes Facebook, ils se connaissent personnellement. Bref, c’est une communauté tissée serrée et c’est remarquable de nos jours.

Tout baigne jusqu’au jour où… Volkswagen décide d’utiliser la banale minifourgonnette Chrysler pour ajouter à son menu. Ils poussent même l’audace à créer des publicités télévisées présentant des personnes âgées issues des années hippies pour leur vendre la toute nouvelle minifourgonnette Chrysler avec un logo Volkswagen. Insulter l’intelligence et la nostalgie de nos aïeuls : jamais une bonne idée. Le Routan n’aura été offert que pendant 4 ans, soit de 2009 à 2013, et c’est déjà beaucoup trop.